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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/394

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APPENDICE.

caractère des populations flamandes ; d’après les informations que j’ai pu me procurer, il paraîtrait que, quelle que soit leur répugnance envers le gouvernement autrichien, elles sont encore moins bien disposées envers la France. Une diversion de ce côté est donc absolument improbable ; la possibilité en diminue chaque jour pour deux causes naturelles : d’abord, les troupes françaises sont extrêmement indisciplinées, et secondement les forces de leurs ennemis vont prochainement recevoir des renforts considérables. De toutes les nouvelles dignes de foi, il résulte que vers le milieu du mois prochain, les armées alliées compteront environ 180,000 hommes, en laissant de côté les émigrés français. Il est douteux qu’on laisse agir ces derniers, pour les raisons suivantes : d’abord, on ne peut supposer que vingt mille volontaires nobles, servant à leurs frais, soient jamais bien disciplinés ; on redoute en conséquence qu’ils ne fassent plus de tort à leurs amis qu’à leurs ennemis. Secondement, il est presque impossible que dans ce nombre de gens, tous irrités par des injures, réelles ou supposées, il ne s’en trouve quelques-uns pour agir plutôt en vue d’assouvir des vengeances particulières que pour le bien public, et il est certain que des actes de cruauté et d’injustice serviront plutôt à prolonger qu’à terminer la lutte, ou, du moins, la terminer selon leurs désirs. Troisièmement, il est notoire que la grande masse du peuple français désire moins maintenir l’état actuel des choses qu’empêcher le retour des anciennes oppressions, et naturellement se soumettrait plutôt à un pur despotisme qu’à cette sorte de monarchie dont les seules limites se trouvaient dans ces corps de la noblesse, de la magistrature et du clergé, qui opprimaient et insultaient le peuple à tour de rôle. Cette observation me mène tout droit au but poursuivi par les puissances alliées, que je suppose être l’établissement d’un gouvernement militaire sur les ruines de l’anarchie qui règne actuellement, et à la continuation de laquelle aucune puissance, sauf l’Angleterre, ne trouve son intérêt. Les autres, voyant que s’il n’existe pas de contre-poids à sa marine, l’Angleterre doit être maîtresse de l’océan (ce qui, dans l’état actuel du commerce du monde, équivaut à l’empire universel) ne peuvent que désirer rétablir le royaume de France.