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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

être en Amérique. La demeure de M. Le Couteulx appartenait autrefois à un prince de Condé ; elle est bâtie dans l’ancien style, tout en étant assez confortable ; la situation est délicieuse. Dans la soirée, arrivent sa mère, sa sœur et son cousin de Canteleu. Le tiers continue à se réunir sans rien faire, car il désire le vote par têtes, mais les autres ordres refusent de le suivre.


10 mai. — Dimanche matin, promenade à l’aqueduc de Marly. Nous montons jusqu’au faîte. Le coup d’œil est splendide. La Seine fait de nombreuses courbes à travers une vallée très bien cultivée, et baigne d’innombrables villages ; d’un côté, on aperçoit dans le lointain les dômes de Paris, et, de l’autre, le palais de Saint-Germain est tout près de nous. Derrière moi, j’ai une immense forêt, avec, au premier plan, le palais de Marly enfoui dans la verdure. De toutes parts, les cloches de mille clochers emplissent l’air de leurs murmures, se mêlant au parfum matinal et à la fraicheur du printemps. Que tout cela est charmant ! Je suis en ce moment sur un immense monument de l’orgueil de l’homme et je puis contempler à la fois, dans l’échelle de l’existence humaine tous les degrés de la misère à la magnificence. Nous déjeunons entre dix et onze heures, puis, après une promenade dans les jardins, nous retournons à Marly. Le jardin est vraiment royal et cependant agréable, la maison est commode et les meubles n’ont pas de style. Les Suisses nous disent qu’ils se préparent à recevoir Sa Majesté. Nous retournons chez M. Le Couteulx pour nous habiller. En entrant au salon, les députés de Normandie se joignent à nous. Notre nombre s’était vu, au déjeuner, augmenté d’un banquier et de ses deux sœurs. À dîner, conversation politique avec les Normands ; je continue cet entretien après le repas et nous finissons par être tous du même avis. Nous discutons incidemment l’avantage qu’il y aurait à créer une Compagnie des Indes.