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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/49

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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

L’après-midi, visite au pavillon de Mme du Barry. C’est un temple consacré à l’immoralité de Louis XV. Le style est très bon et l’exécution parfaite ; le panorama est aussi charmant qu’étendu. Nous apercevons au retour Mme du Barry. Elle a, depuis longtemps, passé l’âge d’être belle, et elle est accompagnée d’un vieux fat, le prévôt des marchands. Ils se dirigent vers le pavillon, peut-être pour sacrifier à l’amour sur l’autel élevé par le feu roi. Quittant le pavillon, nous faisons l’ascension de la colline, et passons entre la maison et le vivier, qui répand une odeur épouvantable, pour voir danser les villageois. Nous rentrons à la maison, et je m’entretiens avec Laurent Le Couteulx du rachat de la dette due par l’Amérique à la France. Il me conseille de voir M. Necker. Je n’ai éprouvé jusqu’ici que des obstacles et des difficultés de la part de M. Necker, qui est ce que l’on peut appeler un rusé. Ceux qui le connaissent n’osent donc pas l’aborder de front, étant certains qu’il commencerait par prétendre savoir tout ce dont on l’informerait, et qu’ensuite il se servirait de ces communications pour les combattre, s’il y trouvait son avantage, en en parlant à d’autres. Il faut beaucoup de prudence et de délicatesse pour traiter avec un homme de celle sorte. Laurent dit qu’il ne peut amener M. Necker à terminer ce qui est déjà en train, mais que, si je le désire, il me procurera une entrevue. Il faudra, d’après lui, s’en tenir strictement au côté financier, et je lui confesse que telle a toujours été ma pensée. J’emmène M. Laurent, et, pendant notre retour à Paris, il épanche sa mauvaise humeur contre M. Necker qui s’est longtemps joué de lui, et qui continue à en agir de même envers de Canteleu. Il le croit, du moins, et, à mon avis, il a raison. Il me dit que leur but est d’obtenir un mandat de payement d’une dette que personne ne songe à nier. Il est invité à dîner chez M. Necker, et si la conversation s’engage sur ce sujet, il recommandera à M. Necker de me voir. Au bout de deux agréables heures de voiture, nous arrivons à Paris.