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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/55

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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

je passe la soirée avec Mme de Boursac, ce à quoi je consens. Beaucoup de propos en l’air et après le souper, M. de Boursac arrive, puis M. d’Espinchal, avec sa femme, et la conversation tombe dans la politique. Les femmes disent beaucoup de bêtises à propos des élections de Paris, pour lesquelles la lutte sera chaude, paraît-il, et elles réussissent à mettre leurs maris hors d’eux.


23 mai. — À onze heures, j’accompagne Mme de Chastellux aux appartements de la duchesse d’Orléans. Elle déjeune, ayant le vicomte de Ségur à ses côtés. Je crois deviner juste, en pensant que les attentions de ce dernier lui plaisent plus qu’elle ne veut l’avouer. Son œil scrutateur demande où j’en suis avec Mme de Chastellux ; je réponds par un regard terne, parfaitement en harmonie avec mes sentiments, car je n’ai jamais eu pour elle d’autres sentiments que je n’en aurais eu pour une vestale. La cause n’en est pas la seule vertu, mais aussi l’indifférence, et pourtant elle est jeune, et belle et sensible. Quelle en est la raison ? Le regard insidieux de la duchesse semble dire : « Je vous trouve plein d’attentions pour elle, et j’en suis contente. » Elle se trompe fort, et moi j’en suis content. Son plus jeune fils, M. de Beaujolais, un beau garçon, plein de gaieté, vient avec nous. Mme de …, l’une de ses dames d’honneur, entre en boitant. Elle avait à l’orteil quelque chose qu’elle a voulu extirper et qu’elle a mis au vif. Je lui dis : « Madame, quand on est touché au vif, on s’en ressent longtemps. » Une vieille dévote qui se trouve là, prenant tout simplement la chose au sens littéral, ajoute, d’un vrai ton de matrone : « Et surtout au pied. » Il y a des confitures sur la table ; la duchesse m’en offre, mais je refuse, sous prétexte que je n’aime pas « les choses sucrées ».

24 mai. — Journée à la campagne. Beaucoup de