Aller au contenu

Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
36
JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

vient me dire que deux dames désirent me parler à la porte. Ce sont Mmes de Boursac et d’Espinchal que j’avais déjà rencontrées aux Tuileries. Nous eûmes une conversation enjouée et futile au cours de laquelle ces dames me font savoir que la fidélité conjugale n’est pas leur plus grande vertu, et il paraît qu’elles désireraient toutes les deux nouer une intrigue galante. Comme elles ne manquent pas d’amants, et qu’elles ne peuvent ressentir d’affection particulière pour moi, elles ont évidemment un motif secret — probablement l’espoir de jolis cadeaux. Je ne ressentais aucune inclinaison pour elles, mais ma présence ayant délivré ces dames du scandale d’être vues seules et de l’ennui d’un tête-à-tête féminin, j’aurai près d’elles la réputation d’être beaucoup plus agréable et d’avoir beaucoup plus d’esprit que dans la réalité.


[Sans date.] — Je conviens d’aller avec Mme de Chastellux faire une visite à la duchesse d’Orléans. Nous montons dans ma voiture pour nous rendre à Romainville, au domaine de M. de Ségur. De la maison et de divers endroits du jardin, au pied duquel se trouve un charmant petit cottage, l’on jouit d’une très belle vue. Je remarque dans le jardin un obélisque dédié à l’amitié. Il a été érigé, je crois, par le baron de Besenval, l’ami très intime aussi bien de Mme de Ségur que du maréchal. Avec une candeur peu ordinaire, elle avoua sa passion à son mari, et tous les trois vécurent le plus heureusement du monde jusqu’à ce qu’elle mourût. Le vicomte actuel de Ségur est fils du baron, et son frère aîné passe pour être le fils du maréchal. La comtesse de Ségur fait très bien les honneurs de la maison : c’est une femme intelligente et des plus aimables. Le prince et la princesse Galitziu dînent aujourd’hui à Romainville. Il me raconte qu’il y a maintenant sept ans qu’il a quitté sa patrie. Nous rentrons à Paris, et je vais chez Mme de Flahaut qui insiste pour que