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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

chez une amie du voisinage. En route, il lui annonce la nouvelle ; ils se rendent à leur maison de campagne faire les préparatifs nécessaires et s’en vont. M. de Montmorin a aussitôt démissionné ; il est en ce moment à Paris. En revenant de chez M. Jefferson, la sentinelle placée sur le chemin qui conduit à la place Louis XV, me force de passer à gauche. Je vais au club. Un monsieur qui arrive de Versailles nous rend compte de la composition du nouveau ministère. Le peuple s’occupe à forcer les boutiques d’armuriers, et bientôt arrive dans le jardin un gros détachement de gardes françaises, la baïonnette au bout du fusil, pêle-mêle avec la foule où quelques personnes aussi sont armées. Ces pauvres gens ont passé le Rubicon ouvertement. « La réussite ou la corde, » telle doit être maintenant leur devise. Je crois que la cour reculera encore, et, dans ce cas, tous ses efforts subséquents seront vains ; si elle ne cède pas, une guerre civile est tout ce qu’il y a de plus probable. Si les représentants du Tiers ont fait un juste calcul du nombre de leurs commettants, dans dix jours la France entière sera agitée. La petite rixe dont j’ai été témoin sera probablement amplifiée en un combat sanglant avant d’arriver aux frontières, et dans ce cas une infinité de corps bourgeois marcheront au secours de la capitale. On ferait mieux de rentrer la moisson.


13 juillet. — Martin, mon domestique entre et me dit que l’Hôtel de la Force est envahi, et que tous les prisonniers sont délivrés. Bientôt après, on m’apporte une lettre en renfermant une seconde d’un M. Nesbitt, qui est au Temple et désire me voir ; mais mon cocher me dit qu’il ne peut me conduire, sa voiture ayant été déjà arrêtée et obligée de retourner sur ses pas. De fait, la petite ville de Paris est dans une effervescence aussi grande qu’on peut la souhaiter. On se procure des armes partout où il