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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/74

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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

il, sur une liste imprimée des aristocrates les plus fougueux. J’offre de reconduire l’abbé chez lui sain et sauf, et Bertrand accepte. À mesure que nous approchons, sa terreur est vraiment amusante. Près de la rue Saint-Honoré, son imagination transforme les passants ordinaires en une foule énorme, et j’ai de la peine à lui persuader de s’en rapporter à ses yeux plutôt qu’à ses craintes. Je le descends chez lui et vais chez M. Jefferson. Sur les boulevards, tout d’un coup chevaux, voitures et piétons font face en arrière et passent rapidement. Peu après, nous rencontrons une troupe de cavalerie, qui a mis sabre au clair et s’avance au trot. Elle nous dépasse un peu, puis s’arrête. En arrivant à la place Louis XV, nous remarquons que la foule, qui compte peut-être cent personnes, ramasse des pierres, et en nous retournant nous voyons la cavalerie revenir. Nous nous arrêtons à l’angle pour voir le combat, s’il y en a. La foule se masse au milieu des pierres qui encombrent toute la place, où on les taille pour le pont en construction. L’officier à la tête du détachement est salué d’un coup de pierre, et immédiatement dirige son cheval de façon menaçante vers son assaillant. Mais ses adversaires sont postés sur un terrain où la cavalerie ne peut agir. Il continue son chemin et la marche se transforme bientôt en galop, sous une pluie de pierres ; un des soldats est renversé de son cheval, ou bien son cheval s’abat. Il est fait prisonnier et est d’abord maltraité. Plusieurs coups de pistolet sont tirés sans résultat ; ils n’étaient pas probablement chargés à balle. Une partie de la garde suisse occupe les Champs-Élysées avec l’artillerie. Je vais chez M. Jefferson. Il me dit qu’hier vers midi, M. Necker a reçu, des mains de M. de La Luzerne, une lettre du roi lui ordonnant de quitter le royaume ; en même temps, M. de La Luzerne est chargé de lui faire promettre de n’en parler à personne. M. Necker dîne et propose à Mme Necker une visite