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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

emprisonné, ne soit relâché, voilà donc la nouvelle autorité déjà foulée aux pieds.


26 septembre. — Ce matin à cinq heures, je me lève et m’habille ; mais ma voiture n’arrive qu’à six heures et demie. Nous partons rapidement pour Versailles, et je me trouve à huit heures à la porte de l’Assemblée nationale. De cette façon j’arrive encore à temps et me trouve bien assis immédiatement derrière mon amie, Mme de Flahaut. À dix heures la séance est ouverte ; on commence par quelques affaires de cadeaux à l’Assemblée, appelés dons patriotiques, qui sont plutôt des sacrifices à la vanité ; ensuite une ennuyeuse discussion sur la rédaction du procès-verbal d’hier, beaucoup de chaleur, de bruit et d’impatience ; ou emploie ainsi une demi-heure pour ce qui aurait dû être réglé en une demi-minute. Le marquis de Montesquiou fait son rapport ; il y montre un grand respect pour le premier ministre des finances et expose ensuite divers détails et combinaisons qui prouvent que le Comité s’y entend bien mieux que les ministres. À la fin du rapport, se trouve cependant un point faible dont il ne s’aperçoit peut-être pas, ou qu’il est impossible d’éviter. On appelle le patriotisme à l’aide, mais en matière d’argent on ne devrait s’arrêter qu’à l’intérêt. Il ne faut jamais s’avouer assez à bout de ressources pour que l’aide du patriotisme devienne nécessaire. Quand le rapport est terminé, le comte de Mirabeau s’oppose à sa prise en considération, et insiste pour que l’on reprenne immédiatement la proposition de M. Necker, sur laquelle il a un amendement à présenter. On l’appelle à la tribune, et avec une belle ironie il propose l’adoption du plan établi par le premier ministre, vu la confiance aveugle que l’Assemblée a en lui et l’immense popularité dont il jouit. « Dans la terrible situation qu’il a exposée, dit-il, et l’imminence du danger qui est cause du débat actuel, cette confiance et cette popu-