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Page:Journal des économistes, 1846, T16.djvu/149

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toutes les choses propres aux besoins et aux commodités de la vie et qui composent sa consommation ; et ces choses sont toujours, ou le produit immédiat du travail, ou achetées des autres nations avec ce produit. »

Suivant M. Cousin, l’économie politique repose sur une seule idée, dont elle est le développement et l’application, à savoir, l’idée de la valeur. Elle prend, même à son insu, telle ou telle direction, selon qu’elle définit de telle ou telle manière l’idée de la valeur. Les définitions exclusives de cette idée ont donné naissance à des théories exclusives elles-mêmes, c’est-à-dire en partie vraies et en partie fausses.

Il faut distinguer soigneusement, continue M. Cousin dont nous analysons quelquefois le travail, et que nous citons plus souvent, il faut distinguer la condition et le principe de l’idée de la valeur. La condition de toutes nos idées en général, c’est la sensation. Là où manque la sensation, l’esprit n’entre pas en exercice, ne produit aucune idée, n’acquiert aucune connaissance. Mais, quand une impression quelconque a été faite sur les sens internes ou externes, la condition de l’idée et de la connaissance est donnée, mais l’idée et la connaissance ne sont pas produites ; pour cela il faut que l’intelligence de l’homme, sollicitée par la sensation, entre en exercice, et par son rapport actif à la sensation, produise l’idée, la connaissance. La sensation est donc la condition du produit, elle n’en est pas la source directe, le fondement, le principe : la source directe de ce produit, son fondement, son principe, c’est la puissance propre de l’esprit de l’homme… Dans l’économie politique, les conditions de la richesse sont partout hors de nous, dans la nature ; mais il faut que le travail de l’homme s’applique à ces données extérieures pour les mettre en valeur, et produire la richesse.

L’école de Quesnay a pris les conditions de la valeur pour le principe même de la valeur. Sans les choses elles-mêmes et particulièrement sans la terre, l’homme ne peut rien produire ; mais que sont pour l’homme les choses et la terre, indépendamment de l’homme, d’abord indépendamment de ses besoins, ensuite indépendamment de sa puissance productive ?

Supposez une chose dont nous n’ayons aucun besoin, quelle peut être sa valeur pour nous ? La terre tout entière, avec ses fruits, avec ses eaux, avec les matières innombrables qu’elle contient dans son sein, ou qu’elle expose à sa surface, avec l’air qui l’environne, etc., ne serait que belle et admirable à qui n’aurait aucun besoin de tout cela ; elle ne lui pourrait jamais être utile. L’utilité commence avec le besoin ; il semble donc que ce besoin est le principe de la valeur ; mais ce n’est là qu’une première vue très-insuffisante encore.

En admettant donc entièrement le principe de Smith, il eût été à désirer qu’il pénétrât lui-même plus profondément dans la nature de ce principe.

Qu’est-ce, en effet, que le travail, sinon le développement de la puissance productive de l’homme, l’exercice de la force qui le constitue ? Le capital primitif qu’on a tant cherché est cette force dont l’homme est doué, et à l’aide de laquelle il peut mettre en valeur toutes les choses que lui présente la nature dès qu’elles sont en rapport avec ses besoins. Les valeurs premières sont les premiers produits de l’énergie humaine dont elle tire sans cesse de nouveaux produits, qui vont se multipliant, et représentent les emplois divers et successifs du fonds primitif, à savoir, de la jouissance productive de l’homme.

Or, cette puissance productive, cette force qui constitue l’homme, c’est