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Page:Journal des économistes, 1846, T16.djvu/150

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l’esprit. L’esprit, voilà le principe du principe de Smith ; voilà la puissance dont le travail relève ; voilà le capital qui contient et produit tous les autres ; voilà le fonds permanent, la source primitive et inépuisable de toute valeur, de toute richesse.

Toutes les forces de la nature, comme toutes les forces physiques de l’homme, ne sont que des instruments de cette force éminente qui domine et emploie toutes les autres. Le théâtre de son exercice est l’espace, sa condition est le temps ; elle ne produit que successivement. Le plus ou moins de temps qu’elle met à produire, l’énergie productive restant la même, est le signe du plus ou moins d’efforts que la production lui coûte ; de sorte que, pour traduire la mesure de la valeur en une formule mathématique, on pourrait la représenter par un chiffre qui exprimerait l’intensité de la force productive, multiplié par celui qui exprimerait la durée du temps.

M. Cousin arrive à donner de la richesse la définition suivante : la richesse est le développement régulier de la force qui constitue l’homme. M. Cousin croit que si Smith eût bien connu que le principe de toute valeur, de tout produit, de tout travail, est l’esprit de l’homme, il n’eût pas, dans sa distinction du travail productif et du travail improductif, appelé travail productif le travail matériel, et travail improductif celui dont les produits sont immatériels. Comme si le travail de l’esprit n’était pas aussi productif que le travail du corps ; comme si le travail matériel, réglé et organisé, n’était pas un travail d’esprit ; comme si, enfin, ce n’était pas toujours l’esprit qui préside à toute espèce de travail, et qui met son empreinte sur la matière pour lui communiquer la valeur dont par elle-même elle est dépourvue.

Du moins, dans les limites du travail matériel, Smith a très-bien vu que tous les produits d’un travail égal sont égaux. Il n’y a pas de genre de production qui soit la production par excellence ; il n’y a pas de genre de travail qui puisse prétendre à représenter exclusivement le travail. Smith a le premier mis en lumière cette vérité si simple et jusqu’à lui si peu connue, que l’agriculture, l’industrie et le commerce, sont des applications du travail également nécessaires, également légitimes. Sans doute, selon les temps et les circonstances, certaines branches de travail peuvent avoir accidentellement une plus grande importance, et l’homme d’État doit toujours mesurer sa conduite sur ce qui est possible, sur les besoins, et même sur les préjugés de son pays et de son temps ; mais, en principe, il ne doit être exclusivement ni agriculteur, ni mercantile, ni manufacturier. Toutes les sources de la production concourent à la formation de la richesse publique. Sur ce point le philosophe écossais est incomparablement supérieur à tous les contemporains et à l’école de Quesnay.

Smith n’a été que le plus illustre interprète de cette école quand il a réclamé avec tant d’énergie la liberté du travail, avec une si grande force de démonstration ; quand il s’est élevé contre les atteintes portées à sa liberté, sous quelques formes qu’elles se présentent, sous la forme du monopole de l’État, sous celle des corporations, des maîtrises et des jurandes ; quand il condamne les obstacles mis à la libre circulation de tous les produits, à l’exportation et à l’importation, soit entre les différentes provinces d’un même peuple, soit entre les différents peuples.

Dans la suite de son Mémoire, M. Cousin montre comment Adam Smith s’est expliqué contrairement aux opinions des disciples de Quesnay sur le principe