Page:Journal des économistes, 1876, SER3, T43, A11.djvu/118

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n’eût heureusement écouté les avis de quelques hommes[1] dont le nom viendra sur le coup à la mémoire des lecteurs de ce recueil, aurait songé de lui-même à pareille œuvre. Quoi qu’il en soit, pour une cause ou pour une autre, il s’y montra fort sympathique ; son altitude triompha des résistances d’un Corps législatif fort infecté de protectionnisme, et d’un Sénat qui ne montrait quelque velléité d’indépendance que pour combattre les mesures libérales, et nous n’avons nul dessein de contester à cet homme néfaste la meilleure inspiration de tout son règne. Passons donc, et suivons M. Gladstone dans ses commentaires sur les causes vraies et la portée réelle du traité de 1860.

Pas plus que Cobden son inspirateur, nous dit-il, les hommes d’État anglais qui le négocièrent ne regardaient en principe les conventions de cette sorte comme de bons moyens d’aider au triomphe du libre échange, et ils obéirent, en cette circonstance, à des mobiles d’une nature particulière. On paraissait généralement persuadé sur le continent que la conversion des Anglais aux idées libre-échangistes n’était due qu’à leur position insulaire, et on les comparait volontiers à des gens qui, après s’être servi très-fructueusement d’un outil, le brisant ou le reléguent dédaigneusement au grenier, quand il leur est devenu inutile. Dans ces circonstances, M. Gladstone et ses collègues pensèrent qu’un traité commercial avec la France « qui avait été l’initiatrice et le guide de la civilisation sur le continent » acquerrait une importance spéciale, et constituerait un acte très-susceptible de limiter, chez les nations ses voisines, un mouvement vers le libre échange, et de fait l’événement leur avait donné raison.

M. Gladstone a finalement abordé la question de l’état des classes ouvrières et celle de la guerre. Sur la première, il n’a paru nullement enclin au désespoir ou à la crainte. Il reconnaît bien que l’émancipation matérielle de ces classes n’avait pas été immédiatement suivie de leur émancipation morale, si l’on peut ainsi dire, et qu’elles avaient gardé de leur longue exploitation par les classes dites dirigeantes des rancunes et des préjugés également fâcheux, mais à cela il n’y avait qu’un remède, le développement de leur instruction tant économique que professionnelle. M. Gladstone a d’ailleurs fait une remarque : c’est que les erreurs ou les méfaits des autres classes ont toujours été égoïstes et préjudiciables à la société tout entière, tandis que ceux des classes ouvrières, tout grands qu’ils puissent être, tournaient presque exclusivement à leur

  1. MM. Michel Chevalier, Jean Dollfus, Roucher, etc.