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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/100

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les six acteurs de la distribution, les uns après les autres, étaient atteints d’enrouement.

Même phénomène au Vaudeville, pour L’Enfant prodigue, en 1868 ; à la seconde représentation, Delannoy, qui joue le rôle principal, est aphone, et la pièce est arrêtée.

C’est ce jour-là aussi que Francisque Sarcey (digitus in oculo) écrit de celui qui a gardé encore aujourd’hui le titre de prince de l’amertume : « Ce jeune homme a reçu de la fée du théâtre ce don qui tient lieu de tous les autres : la gaîté. »

Gérard Bauer, qui est un spécialiste d’Henry Becque et qui l’a bien connu par son père, Henry Bauer, lequel fut à la fois son protecteur et son ami, me disait que Becque avait, dans la conversation, deux phrases familières, deux phrases tics qu’il ne cessait de répéter à tous propos : « Qu’est-ce que vous dites de ça ?… Qu’est-ce que vous dites de ça ? » et aussi : « Croyez-vous que c’est drôle ! »

Deux mois avant la déclaration de guerre, en 1870, Becque a écrit un grand drame social dans lequel il a mis tous ses espoirs : la pièce a été partout refusée. Alors, notre auteur assume, à lui seul, les risques financiers de la représentation ; il loue un théâtre, la Porte-Saint-Martin. Il finit par obtenir Taillade comme principal interprète. Enfin, lorsque tous les obstacles sont surmontés et que tout est prêt pour jouer la partie, pendant dix-huit jours une canicule exceptionnelle dans les annales météorologiques fait monter le thermomè-