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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/99

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Comme deux ennemis rompus
Que leur haine ne soutient plus
Et qui laissent tomber leurs armes.

« Un sucrier, une carafe et un verre d’eau : tout ce qu’il faut pour parler. » C’est là une réplique d’un personnage de Becque, une réplique qui veut être comique, mais dont le conférencier qui parle de lui peut éprouver la dérision et l’amère tristesse.

Né le 18 avril 1837, mort le 12 mai 1890. N’ayant quitté Paris que deux ou trois fois pour des besognes littéraires, il n’y a pas, dans toute cette vie, une anecdote aimable, un sourire ou un amour. Il n’y a, tout au long de cette existence, qu’un concours de circonstances mystérieusement néfastes, de conjonctures sinistres, qui n’apparaissent pas au premier abord, tant elles sont sournoises et malignes, mais dont les symptômes réguliers, constants et cadencés, font découvrir tout à coup, dans la vie et l’œuvre de Becque, une trame de deuil. Toutes les tentatives, tous les efforts, toutes les manifestations de son œuvre oscillent entre un Charybde et un Scylla de l’art dramatique.

Le premier essai de Becque au théâtre fut un livret d’opéra : Sardanapale. L’auteur de la musique, M. Victorien de Joncières, s’était, d’avance, assuré le succès : beau théâtre, belle distribution et des relations. Six fois de suite, la première représentation fut remise :