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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/127

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née et le public n’avait pas pu entendre un mot de la pièce. Mes amis me serraient fortement les mains, me plaignant d’avoir reçu cet ouvrage vide. Nous allions nous retirer quand Becque nous retint et, devant les artistes énervés, il se mit à jouer, tout seul, sa pièce. Cela dura deux heures.

« Enfin il nous lâcha. Nous étions tous navrés et éreintés. Je dis aux artistes : « Demain, à une heure, nous répéterons entre nous… et nous verrons clair. »

« — On répète demain ? demanda Becque.

« — Non, non, lui répondis-je. Il faut que vos interprètes se reposent.

« Le lendemain, les artistes étaient là à l’heure. Enfin, nous étions entre nous. Nous allions pouvoir travailler à notre aise.

« Tout à coup, un vacarme épouvantable éclate à la cantonade et mon concierge arrive, tout haletant, me dire que M. Becque, à qui il avait assuré qu’il n’y avait personne, était entré quand même. Becque apparut en effet, furieux de cette répétition secrète ; puis le voilà qui reprend sa place à l’avant-scène et qui recommence ses interruptions.

« Je me sauvai et m’enfermai à clef dans mon cabinet, abandonnant mes malheureux interprètes à cet auteur barbare et têtu. »

« Le soir — raconte Samuel — la Parisienne obtint un succès immense devant le public et la critique… »

Voici ce qu’en dit Antoine dans ses Souvenirs : « La pièce est créée par une troupe recrutée un peu