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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/139

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fut épique. Dans un duel de citations, nous nous jetâmes à la tête tout ce qui encombrait notre mémoire, lui dans le lyrisme pour me faire taire, moi dans le théâtral pour le narguer.

« Tu crois que c’est commode à dire :

Vous êtes deux dans ce château que j’aime.
Vous d’abord avant tout — avant mon père même
Si j’en avais un !

Sur quoi, il se mettait à hurler à perdre haleine la tirade de « Bon appétit, Messieurs ! »

Les citations pleuvaient de part et d’autre.

Le comble fut mis par un vers de Cromwell que j’utilisais souvent dans ces circonstances passionnées :

Quand on n’a rien à dire, on parle pour parler.

Hugo était écartelé entre un fanatique et un iconoclaste.

— Tu es injuste ou monstrueux, hurlait-il.

Et je répondais, en parodiant le maître :

Les uns disent génie et les autres bouffons.

« On est toujours injuste quand on parle de Hugo », soupira-t-il à la fin, et il se remit à son travail en silence.