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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/14

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vrit, avec le vélocipède et le phonographe, « la pièce à thèse » et la « pièce sociale » et engendra « le théâtre d’idées ». Étrange liberté de ce théâtre libre conquise par des décors qui voulaient être vrais, munis de vraies portes et de vraies fenêtres, ornés de vrais végétaux, meublés de vrais animaux. L’art consistait à répandre une pluie véritable sur la scène, à montrer une boucherie avec de vrais cadavres d’animaux, de vraies soutes avec du vrai charbon, des lavoirs avec de l’eau où l’on pouvait laver son linge, des mastroquets avec de véritables comptoirs de zinc. Chaque pièce amenait une flore et une faune authentiques : le géranium et le mouton, les roseaux et le bœuf, les poules, le canard et le lapin, installés sur la scène dans un naturel dérisoire, participaient à la cérémonie dramatique et communiaient à des célébrations dont les conflits ouvriers, les tableaux de grève, la famille, l’adultère et le divorce, la syphilis et le féminisme étaient les débats essentiels.

« Oui, monsieur ! s’écriait avec véhémence le directeur, je reconnais le bien-fondé de vos critiques sur cette pièce. Le héros n’est peut-être pas d’une psychologie très étudiée (le héros était en l’espèce un professeur de lycée). Son cas est banal, c’est une aventure assez quotidienne… — Oui, monsieur ! Mais au troisième acte, hein !… au troisième acte… il couche avec la bonne ! »

C’est la période de la « tranche de vie ».

Amoindrissement du spirituel, mort de l’imagina-