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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/15

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tion et du merveilleux, avilissement du langage, tels sont les caractères du théâtre de cette époque.

Cette merveilleuse convention théâtrale que nous avaient léguée les classiques, dépouillée de sa magie, abandonnée par la poésie, semble à jamais perdue. Elle est remplacée par une convention nouvelle, « une innovation » que le souci et le goût de vérité révèlent à nos prédécesseurs : l’invention, la découverte du quatrième mur de la scène. Pouvoir représenter une pièce comme si son action s’accomplissait réellement, et que le spectateur ait l’impression d’y assister par indiscrétion ou par surprise, telle était la plus parfaite ambition de cet art dramatique. L’acteur n’animait son personnage qu’afin de permettre au public de se donner l’âme d’un voyeur.

Nos prédécesseurs étaient des novateurs.

Le théâtre venait de perdre sa vérité au profit d’une exactitude et d’une vraisemblance qui allaient tuer et abolir à jamais la vraie illusion du théâtre. Le règne du spirituel s’achevait : le Théâtre Libre annoncé par la photographie était l’ange annonciateur du cinéma.

Et le cinéma vint, machine-outil toute neuve, monstre dévorateur de matière dramatique sous toutes ses formes. C’est d’abord le Théâtre Libre qui la lui fournit ; c’est de ce cocon, en effet, qu’est sorti l’éclatant papillon qui aujourd’hui palpite inlassablement sur ce quatrième mur enfin matérialisé.

Le naturalisme, déjà mort-né à sa naissance, était mort parce qu’il n’était qu’un aboutissement. Les fidèles