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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/16

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qui voulaient croire à ce nouveau messie exaltèrent longtemps leur croyance en s’envoyant cette dépêche si connue : « Naturalisme pas mort ». Ce télégramme-scie est aujourd’hui un faire-part définitif.

Nos prédécesseurs étaient bien des novateurs.

Si le théâtre d’aujourd’hui tend vers quelque chose, c’est vers une vie où le spirituel paraît avoir reconquis ses droits sur le matériel, le verbe sur le jeu, le texte sur le spectacle. C’est vers une convention dramatique faite de poésie, de grâce et de noblesse.

La scène française est aujourd’hui sans histoire. Le temporel ne s’y accuse que par un retour au souci dramatique qui est celui des grandes époques, à ces problèmes éternels, à ces préoccupations humaines qui créent entre des hommes assemblés une entente secrète, un plaisir commun et partagé, où la sensibilité et la sympathie s’échangent et se répondent. C’est un retour à la vraie tradition de théâtre : c’est une époque de rééducation. Quelques auteurs ont gardé le goût de l’écriture et de la pensée, le sens de l’éloquence dramatique, l’art d’inventer pour notre usage des actions où les personnages s’offrent à nous sans autre intention que de s’avouer, de se confesser, pour le bénéfice de nos sentiments et de nos émotions.

Si le théâtre d’aujourd’hui va vers quelque chose, c’est vers ce divertissement de choix où le spectateur aussi bien que l’acteur retrouve sa qualité d’homme et de semblable, où la cérémonie théâtrale reprend un peu de la distinction et de la noblesse de ses premières