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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/168

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écrivain en rédige un, celui-ci devient une sorte de charte à laquelle tout le monde se réfère, même les comédiens. Diderot n’était pas comédien lui-même, il lui était impossible d’éprouver et de comprendre le mystérieux processus des mouvements qui animent l’acteur en scène. L’écrivain a pu assister à des incidents de coulisse et de représentation au sujet desquels il a fort joliment écrit de précieuses considérations. Mais il ne faut jamais, en les lisant, oublier leur titre, c’est un paradoxe.

Ce dédoublement, que Diderot voulait paradoxal, n’existe-t-il pas en chaque homme qui, tout en parlant avec un de ses semblables, conserve son raisonnement libre. Ce dédoublement concerne aussi le public. Il faudrait écrire aussi le Paradoxe sur le Spectateur. Comme tous les paradoxes, celui de Diderot est un parti-pris de l’esprit. Ce n’est ni une critique, ni une théorie, mais une manière énigmatique de discourir.

Le « trac » des acteurs (dont certains n’ont jamais pu se défendre) est un adjuvant, une sorte de préparation à l’anesthésie scénique, à l’inspiration, pour accueillir la grâce sans laquelle il n’y a pas de grand comédien. C’est de cette grâce dont parlait Mounet-Sully lorsque un jour, sortant de scène, il disait : « Ce soir, le dieu n’est pas venu. »

Sur le plateau et en présence du public, le comédien doit se souvenir qu’il n’a pas seulement à démontrer un personnage, mais à être ce personnage et à manifester ses sentiments. Il devra acquérir un méca-