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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/170

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d’interprètes, loin de leur être nuisible, est utile et même nécessaire. On pourrait diviser les humains en inhibitionnistes ou en exhibitionnistes, d’après la façon dont ils peuvent extérioriser leurs sentiments : un acteur inhibitionniste n’est pas de plain-pied avec le personnage qu’il doit interpréter. Il doit se servir de cette « insécurité » qui ira d’ailleurs s’affaiblissant, pour se hausser jusqu’à son rôle. On ne peut devenir un véritable professionnel que lorsqu’on sait utiliser cet effroi, cette pudeur. Au fur et à mesure que l’acteur joue une pièce, son insécurité disparaît, ses forces vives diminuent. Sa sensibilité s’amoindrit, mais sa puissance d’exécution y gagne.

« L’acteur, avec toute sa personne, sa figure, sa physionomie, sa voix, etc., entre dans l’œuvre d’art, et sa tâche est de s’identifier complètement avec le rôle qu’il représente. Sous ce rapport, le poète a le droit d’exiger de l’acteur qu’il se mette, en effet, tout entier dans le rôle qui lui est donné, sans y ajouter du sien, et qu’il se comporte ainsi comme l’auteur l’a conçu et poétiquement développé. L’acteur doit être en quelque sorte l’instrument dont l’auteur joue, une éponge qui s’imprègne de toutes les couleurs et les rend inaltérables…

« Le ton de sa voix, le mode de récitation, les gestes, la physionomie, en général toute la manifestation extérieure et intérieure réclament une originalité propre conforme au rôle déterminé.