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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/180

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au second temps forme la matière rémunératrice appelée public.

Du point de vue encyclopédique, la somme des connaissances qui lui seraient nécessaires est telle qu’il ne saurait sans vertige et sans danger s’élever plus haut que le lieu commun, lequel est, comme chacun sait, une assise infiniment commode et sûre.

L’ensemble des vertus sociales et politiques qu’il doit pratiquer dépassant de beaucoup le niveau des vertus célébrées par Plutarque, le directeur de théâtre se voit contraint, généralement, à une morale qui oscille entre l’héroïsme et la compromission et le fait évoluer dans les domaines du malentendu.

Quels que soient son tempérament et son humeur, il est forcé, pour vivre, de se réfugier dans les climats extrêmes de la domination ou de la servilité, à moins qu’il ne se tienne dans les régions plus tièdes de l’indécision et de l’approbation condescendante où prolifère également la faune parlementaire.

Honni et blâmé, loué et adulé, condamné au succès, toujours à l’affût de la réussite, c’est-à-dire de l’argent, glorieux ou vilipendé selon ses recettes, c’est, dans la société, l’homme qui unit le mieux le mépris et la pitié.

Critique avant la critique, il faut se le représenter assis entre l’Esthétique et le Commerce, devant une énorme pile de manuscrits qui se renouvelle sans cesse, l’imagination délirante et contaminée, cherchant courageusement ce virus dramatique dont il essaye de con-