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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/179

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conter poussent au noir la peinture du directeur, car — vrai ou imaginaire — le mal fait plus de bruit que le bien.

Le directeur de théâtre est un homme exposé à toutes les animosités, à toutes les légendes. Rien n’est plus facile que de le mépriser. Mais, quel que soit l’homme qui porte ce titre, il est rare, cependant, qu’il ne fasse pas preuve d’un certain désintéressement, qu’il n’ait pas une manière d’être généreux, une sensibilité particulière à la profession, et qui n’est pas coutumière dans les usages sociaux courants. Mais il n’est pas dans mes intentions de démontrer que l’homme naît bon et que le théâtre le déprave. Je ne suis pas un moraliste. Du point de vue de Buffon, le directeur est un anthropomorphe ou un anthropoïde mammifère, éminemment adaptable, vivant de matière dramatique sous toutes ses formes : livrets, manuscrits, drames, opérettes, comédies, costumes, décors, toiles peintes, fauteuils, programmes, lavabos, vestiaires, pastilles de menthe, accessoires de carton, musique de scène, perruques, etc. Il digère et assimile tout ce qui, d’une façon ou d’une autre, est de théâtre.

Ses occupations sont singulièrement une traite des blancs mitigée, pratiquée en deux temps, dont l’un consiste à recruter des hommes et des femmes servant d’appât à d’autres hommes et femmes dont la réunion