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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/183

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en Commun de la Région Parisienne. On naît aviateur, littérateur, auteur dramatique, médecin ou vétérinaire : on finit député ou directeur. Dans l’un comme dans l’autre cas, c’est une situation, ce n’est pas un métier, c’est un état, un état acquis. La carrière de directeur est un accident dans une vocation théâtrale ; mais si la fonction échoit à un homme qui n’a pas été touché par ce sacerdoce particulier du théâtre, c’est alors un accident pour le théâtre et très souvent une catastrophe pour l’art dramatique.

Et maintenant nous allons parler du théâtre pour tenter d’expliquer le directeur. Je ne prétends pas en donner la formule définitive, mais je voudrais essayer de préciser comment le théâtre, par l’évolution de son organisme ternaire : auteur, acteur, public, a suscité, engendré, toléré ou subi cette fonction supplémentaire et adventice : celle du directeur.

C’est du jeu de ces trois éléments : public, acteur et auteur, de leurs influences réciproques, de leur conjugaison et de leur mariage spirituel, que sont faits le théâtre et l’histoire du théâtre, à ce point que l’on pourrait, à l’instar de Cuvier, se borner à l’étude de l’un des trois constituants pour réinventer, découvrir et décrire les deux autres tout au long de notre histoire.

Le public, la société d’une époque, prête à ses acteurs, à ses poètes, ce que les poètes lui rendent, et le théâtre, comme tous les arts, est, en définitive, une affaire d’emprunt et de restitution.

Le fonds de l’humanité est immuable, il n’y a que