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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/184

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les formes qui sont changeantes et variables à l’infini. Chaque siècle, chaque année a ses mœurs, ses caractères qui lui sont propres. L’humanité modifie, arrange et dispose différemment ses ridicules, ses vices, son âme et son esprit, comme les femmes arrangent leurs vêtements et leurs parures, en suivant les inspirations de la mode.

« Il n’y a point d’années, dit La Bruyère, où les folies des hommes ne puissent fournir un volume de Caractères. Il n’est pas jusqu’à la beauté qui ne soit mode. Un siècle ou un vice font une différence d’époque à époque. »

Dans cet échange entre le poète et le public, dans cette effusion, cette vie spirituelle où le poète est l’inspirateur d’une communauté dont l’acteur est à la fois le partenaire et le mandaté, le directeur n’apparaît point encore. C’est que le rôle de directeur n’est qu’un rôle d’intermédiaire.

Lorsque, pour la première fois, dans la première foule humaine, dans la première communauté, l’enthousiasme eut suscité dans le premier groupe originel son premier boute-en-train, son premier conducteur des jeux et des ris, son premier partenaire, lorsque cette cellule mère du théâtre (et de toutes les collectivités) eut polarisé son noyau dramatique dans la personne du soliste — son premier acteur — l’humanité avait créé le rite théâtral et préformé dans les manifestations de ce premier échange, entre le groupe et son chef, le dia-