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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/200

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Izeïl, Adrienne Lecouvreur, La Sorcière, Dalila, sainte Thérèse ou Jeanne d’Arc, Cléopâtre ou Théodora, la courtisane de Corinthe ou Françoise de Rimini, l’étiquette avait beau changer : le personnage ne changeait que pour les variations du jeu de l’actrice, et l’héroïne restait toujours Sarah Bernhardt.

Maurice de Faramond, qui fut victime, comme auteur, de cette enflure de la personnalité, a laissé une comédie posthume assez acerbe, intitulée Pandolphe et Chichilla ou Le Trust de l’Idéal. Il nous montre le grand acteur et la grande actrice, tous deux directeurs, dans leurs relations avec l’auteur que Maurice de Faramond appelle La Balue. Lui, ne jouait jamais que Francois Ier, Charlemagne, Cyrus, Annibal, Napoléon, Washington ou le négus. Elle, était la prêtresse du plus haut idéal, l’écuyère du sentiment piaffant et de tous les feux du baiser, l’archivestale.

Pour faire accepter son manuscrit, La Balue joue de la vanité des interprètes, en faisant miroiter l’importance ou la longueur des rôles ; offrant à l’un ou à l’autre le rôle de Louis XIV et de Lavallière, sans égard au sexe de ses personnages.

Et le Trust de l’Idéal se termine par les conseils du directeur à La Balue, dont il refuse la pièce mais qu’il engage cependant à écrire une vraie grande œuvre.

— Je vous parle sincère, abandonnez tout ça, ces fantaisies d’artistes. Écrivez maintenant un rôle sérieux, un rôle ! — c’est-à-dire pour moi seul, non pas comme celui-ci. Je parle d’un rôle dans ma corde.