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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/199

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n’est plus alors qu’un constructeur de mécaniques à personnages, de trapèzes pour acrobaties sentimentales, ou un carcassier pour feux d’artifice. Chargé d’intentions et de soins vraiment trop relatifs, il est rabaissé au rôle de faiseur, et le miracle de la création dramatique n’est plus qu’une cuisine menacée, comme toutes les cuisines, de figé et de refroidi.

La carrière des grands acteurs ou d’actrices célèbres qui furent directeurs a justifié très souvent ces considérations.

On ne peut contester, par exemple, la célébrité de Virginie Déjazet et je ne prétends pas nier l’existence du théâtre qu’elle a fondé ; mais il serait bien difficile de trouver, dans l’énumération des pièces qu’elle représenta, une œuvre qui ait eu chance de passer à la postérité ou qui puisse tenter un lecteur d’aujourd’hui. Porté à un degré de condensation exceptionnel par la petitesse de sa taille, ce mélange de finesse et d’entrain, de grâce, de bonne humeur, de malice et d’esprit ne s’est exercé que dans des œuvres parfaitement oubliées et dont les mérites essentiels servaient à son exhibition.

En dépit du prestige qu’elle a laissé, Sarah Bernhardt elle-même, dès qu’elle eut quitté la Comédie-Française pour exploiter son génie, à quelques rares exceptions, n’a servi que des écrivains inférieurs à eux-mêmes. Hantés par son propre personnage, la directrice et ses auteurs n’ont cherché qu’à ranimer à son profit et au leur toutes les héroïnes que l’Histoire ou la légende pouvaient leur procurer. Mais que ce fût Gismonda,