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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/216

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dans certains pays neufs. Organe de coordination entre les éléments professionnels ; ordonnateur de la cérémonie dramatique, le directeur est ici le véritable mandataire du public. Suscité et désigné par le peuple, protégé, aidé et encouragé par l’État, il agit au nom de la collectivité et retrouve son vrai rôle social.

Si l’on excepte aujourd’hui nos théâtres subventionnés, cet homme public qu’est le directeur a une charge publique, mais aucunement officielle. Cet éducateur chargé des plaisirs de la masse n’a aucune obligation envers elle et n’est nullement soutenu. Le théâtre est toujours la sécrétion d’une civilisation ; la société, dans sa forme actuelle, a le théâtre qu’elle mérite, car l’art est la fleur et le fruit de la politique.

Un directeur de théâtre est un citoyen qui, muni du bail d’un théâtre, du moment qu’il respect les traités rigoureux de la Société des Auteurs, qu’il paye à l’Assistance publique et à l’État les taxes que ceux-ci viennent prélever — par précaution — jusqu’à ses guichets, qu’il satisfait plus ou moins à tous les devoirs dont jouissent ses concitoyens, a le droit, avec un casier judiciaire surchargé, de donner au public des spectacles étagés entre la danse du ventre chaste ou lascive et la représentation la plus ésotérique des tragiques grecs.

Ce qui veut dire qu’un directeur de théâtre exerce une profession libérale, « profession dans laquelle l’intelligence a plus de part que la main », dit le dictionnaire, et que cette mission redoutable et culturelle n’est même pas contrôlée par l’État, lequel ne se soucie que