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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/26

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gagné. Ce n’est pas la présence ou l’absence des spectateurs sur la scène qui importe, c’est l’œuvre écrite, c’est l’imagination et le verbe du poète dramatique. Ce qui importe, c’est le rapport étroit, direct, de l’homme qui parle, c’est-à-dire l’Auteur, et de ceux qui écoutent, c’est-à-dire de l’assistance, du public. Et il n’y a pas d’autre problème que celui-là si l’on veut définir ce que j’appelais tout à l’heure le succès sous son aspect véritable et sa véritable finalité.

Le génie de Crébillon, d’Antoine de la Fosse, ou même de Voltaire, enfin libéré par l’accomplissement d’un si grand progrès, n’a pas enrichi notre littérature dramatique et je préfère encore Andromaque ou Macbeth à l’Orphelin de la Chine ou à Mahomet.

En rêvant sur ce sujet, en considérant l’aspect et la disposition de nos salles modernes, et les continuelles tentatives faites pour leur plus grande modernisation, je me demande même si cet inconvénient dont souffraient autrefois les gens de théâtre n’était pas, à tout prendre, préférable aux prétendues libertés gagnées par cette réforme, et si les débordements et les débauches d’inventions techniques auxquels nous avons assisté depuis cette libération de la scène ont été aussi bienfaisants qu’on pourrait le penser.

Dans cette intimité et cette familiarité du spectateur, la convention théâtrale m’apparaît plus pure et le sens de la cérémonie plus nécessaire.

Les règles de ce noble jeu qu’est le théâtre, me semblent plus strictes sur cette scène qui tient encore de