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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/39

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du restant de pâté de lièvre arrosé de vin blanc s’introduit entre l’épouse en larmes et les enfants qui sortent du lit un par un, tandis que retentissent les trompettes de la guerre ».

J’entends souvent des gens me dire : « Croyez-vous que Giraudoux restera ? » Ce que je puis répondre, c’est qu’il est, et c’est tout ce qu’il est nécessaire de savoir, aujourd’hui. Et s’il vous prenait l’idée de vous lever tous ensemble pour renier, peut-être, mon admiration, et me déclarer que vous n’aimez pas Giraudoux, je vous dirais, par tout ce que j’en sais et tout ce que j’en ai éprouvé, que vous avez tort, qu’il y a trois cents salles qui ont été enchantées par ce thème d’Amphitryon déjà trente-sept fois célébré, et que le succès est la preuve de l’art de Giraudoux. Je dis « son art » car à l’analyse vivante que nous avons faite en l’interprétant trois cents fois, il est impossible de trouver, dans le métal pur de ses pièces, d’autre élément de succès que celui du thème dramatique et du verbe dramatique, de l’imagination et de la parole, les deux seuls éléments simples de l’art du théâtre.

À quoi tient le succès de Giraudoux ? À la magie incantatoire du verbe dramatique. Il n’y a pas d’autre raison.

Je m’étonnerais fort si, dans une nouvelle vie, où je serais machiniste ou décorateur, je ne retrouvais pas, sur la scène future, familières et révérées, les œuvres qu’il a produites, alors que seront oubliés bien d’autres succès dont il ne restera plus que les décors poussié-