Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/49

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Un comptoir, une voilette, un sac à ouvrage avec de quoi tricoter, un roman feuilleton, un brevet d’institutrice encadré sous verre, une pipe, du tabac, unie corbeille d’œufs, des paquets de livres et une facture, une lampe à pétrole emballée dans un panier, une corbeille à ouvrage avec une chaussette trouée, une boule pour repriser les bas, un pain entamé, une assiette de fromage, des lunettes dans leur étui, un petit peigne de femme, une bouteille d’eau-de-vie et un petit verre, un torchon… J’en passe. Que peut-on jouer avec ces détritus ? Vous l’avez deviné. C’est Blanchette, d’Eugène Brieux, un des chefs-d’œuvre du Théâtre-Libre.

Par contre, que faut-il à Marivaux ?

Avec deux cannes, une marguerite à effeuiller, un éventail, trois billets, un portrait, une bourse, une miniature avec son écrin, six guirlandes de fleurs. La Surprise de l’amour.

Et au grand siècle du théâtre ? Un mur de marbre, et, de chaque côté, deux ou trois marches pour monter. D’un côté du théâtre, un mûrier, un tombeau entouré de pyramides, des fleurs, une éponge, du sang, un poignard, un voile, un antre d’où sort un lion du côté de la fontaine, et un autre antre, à l’autre bout du théâtre, où il rentre. C’est Pirame et Thisbée, de Théophile de Viau.

Et si le théâtre est une chambre à quatre portes avec un fauteuil pour le roi ? C’est le Cid.

Le théâtre est un palais voûté ; il faut une chaise pour commencer. C’est la Phèdre de Racine.