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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/48

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rant les semaines où l’on prépare une pièce pour comprendre le point de vue que j’ai envisagé ici — qui est le point de vue professionnel — et qui reste étranger à toute esthétique gratuite.

Je me souviens d’une réplique d’un accessoiriste que je me permettrai de citer ici en exemple. L’accessoiriste du théâtre est l’homme chargé de recueillir, de fabriquer ou même inventer les objets mobiliers, décoratifs ou vestimentaires employés sur scène et dont le répertoire n’a pas de limite, de l’utile au superflu, à travers toutes les époques et tous les pays. Nous montions une pièce hongroise que je ne désignerai pas et je communiquais à ce brave homme la liste complète et nombreuse de tous les objets qu’il avait à fournir. Il la lut lentement, sans enthousiasme, avec même un peu d’étonnement, et, levant vers moi les yeux, par derrière ses lunettes, et me regardant avec pitié, il me dit : « Mais, monsieur Jouvet, ce n’est pas une pièce, ça ! C’est le Mont de Piété ! »

Vu sous cet angle, par ce modeste collaborateur, le jugement gardait tout son pouvoir et tous ses droits, l’épreuve lui donna d’ailleurs raison, la pièce ne réussit pas.

Et pour conclure et amplifier cette anecdote, je vous proposerai un jeu de devinette à l’usage des amateurs de théâtre que j’appelle « jouer à la métaphysique de l’accessoire ».

— Qu’est-ce qui se joue dans une épicerie de campagne où il faut :