Aller au contenu

Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Alors, Beaumarchais devint en outre pour moi le responsable de la Révolution française et l’auteur des immortels principes de 89. Mais je compris en même temps que la beauté de son œuvre résidait surtout dans l’écriture et qu’il appartenait à la grande lignée et à la vraie tradition française pour avoir su faire parler ses personnages.

Ce cours de littérature me permit aussi de situer historiquement Beaumarchais comme un successeur de Voltaire (Zaïre fut écrite l’année de sa naissance), un lecteur attentif et passionné de Manon Lescaut, le contemporain de Diderot, de Sedaine, de Collé et de Piron, de La Chaussée, de Chamfort, de Rivarol, de Florian et de l’Encyclopédie.

C’était l’époque où la tragédie avait fait son temps. Les auteurs dramatiques cherchaient un genre nouveau avec la comédie larmoyante de Diderot. On s’essayait à peindre des « conditions ». Et quoique les pièces de cette époque aient été fort nombreuses, il en est peu qui soient parvenues jusqu’à nous. Ces pièces écrites pour la bourgeoisie, mais gâtées par une sensiblerie fade et déclamatoire, allaient devenir, quelques lustres plus tard, des mélodrames populaires.

Jean-Jacques Rousseau avait eu une grande influence sur le théâtre français. Il incitait, dans son Émile, les mères à assister au spectacle avec leur nourrisson dans les bras, et engageait par surcroît les comédiens à répondre à cet auditoire en poussant leur sensibilité jusqu’aux larmes.