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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/57

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C’est pourquoi les premières pièces de Beaumarchais furent des tragédies bourgeoises, des comédies dramatiques, où il ne réussit pas très bien, déclarons-le tout de suite : il n’était pas un sensible. Peut-être est-ce parce que cette sensibilité lui faisait défaut qu’il chercha un genre original et qu’il détourna le spectateur de ce besoin de pleurer avant même que le rideau ne se lève.

Ma troisième accointance avec Beaumarchais, ce fut en tant qu’élève et apprenti comédien. Beaumarchais fut alors dépouillé de tout cet entourage encyclopédique, voltairien ou révolutionnaire.

Je lus, relus et appris par cœur le Mariage, le Barbier, et je fis connaissance avec son Eugénie dont le souci de mise en scène et la trouvaille des intermèdes — cette action qui se poursuit en mimique pendant les entr’actes — m’apparurent d’un fort habile dramaturge.

Entre jeunes débutants, pour le plaisir d’apprendre des tirades qui devaient nous permettre de passer de brillantes auditions, nous nous exercions sur les monologues : la fameuse tirade du Goddam, les scènes de bravoure de Rosine ou de Suzanne, et je m’étonnais qu’on eût tant de peine à faire vivre des personnages aussi célèbres.

Pourquoi le décor, la perruque poudrée et les accessoires faisaient-ils si grand défaut ? Je ne me l’expliquais pas encore très bien et je préférais alors, avec une obstination qui s’est, depuis, éclairée en moi, les