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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/61

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glios les plus compliqués. Dans cet art où les moyens d’expression dépassent le besoin d’exprimer, je compris que trop de métier nuit et, comme dit Montaigne, que « l’archer qui outrepasse le but fault comme celui qui n’y atteint point ».

Ces souvenirs sont malgré tout éclairés pour moi des feux de bengale de cet esprit léger qui nous faisait vivre dans une atmosphère de comédie italienne. Pendant les représentations (je jouais Brid’oison) une sorte de pétillement amoureux débordait de la scène jusque dans les coulisses, laissant le théâtre dans une atmosphère de gaîté et de bal masqué.

Je passe sur des expériences particulières comme celles de représentations à l’étranger où Beaumarchais est tenu pour l’auteur français par excellence, et j’arrive tout de suite à cette grande expérience révélatrice que fut ma rencontre de Beaumarchais au Conservatoire. Je n’avais plus le droit de me laisser aller à des impressions personnelles. Dans cette sorte de laboratoire qu’est une classe de jeunes comédiens, il n’est pas difficile, dans les auditions si variées et si diverses de textes, d’éprouver fortement et de conclure que le texte de Beaumarchais est un véritable texte classique.

Mais, et c’est ici ma première restriction, ce texte n’est pas fait pour tous les acteurs indifféremment.

Il n’y a qu’un moyen d’éprouver ou de contrôler la nature d’un comédien : c’est de lui confier un grand rôle. Lorsqu’on lui impose Hamlet, Alceste ou Tartuffe, quels que soient ses dons, l’élève a une façon