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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/74

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promesse. Beaumarchais part à Madrid en justicier et réconcilie Clavijo avec sa sœur. Mais la réconciliation n’est qu’apparente. Clavijo, par un habile travail souterrain, obtient la promesse d’arrestation et d’expulsion de Beaumarchais. Celui-ci l’apprend ; sans perdre de temps, il va jusqu’au roi, se justifie, et, faisant destituer Clavijo de sa place de garde des Archives, se venge en le faisant chasser de la Cour. Beaumarchais fera dans ses mémoires un récit étourdissant d’humour de cette aventure. Et Gœthe, un peu plus tard, en tirera une pièce qu’il intitule Clavigo.

L’incident Clavijo ne dura qu’un mois, mais Beaumarchais resta un an en Espagne. Il tenta d’obtenir la concession exclusive du commerce en Louisiane — il avait formé le dessein de fournir des nègres à toutes les possessions espagnoles, des vivres à toutes les troupes du roi et même de coloniser la Sierra Morena. Rien de tout cela ne réussit, mais il eut beaucoup de succès dans le Madrid mondain.

Il a trente-cinq ans quand il rentre à Paris. Nous sommes en 1767 ; il va aborder la carrière littéraire.

« Entrer dans une carrière neuve et y prendre un essor étendu. » Cette phrase, qui pourrait être une devise, est de lui.

Persuadé que son génie le destinait au genre dramatique sérieux, il en expose les principes dans la préface de son drame Eugénie ou la vertu au désespoir. Ce sont, en somme, les théories de Diderot. Sans se douter à quoi sera due son immortalité, il professe que