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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/80

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Mais, pour faire durer une comédie, ce n’est pas seulement avec le public qu’il faut compter, il faut compter aussi avec les comédiens qui la représentent. À cette époque, il était d’usage que toute pièce dont la recette tombait une fois seulement au-dessous d’un certain chiffre, fût qualifiée tombée dans les règles et devînt la propriété exclusive des comédiens ; ils pouvaient alors la reprendre et faire beaucoup d’argent, sans en devoir aucun compte à l’auteur.

On imagine aisément comment — dans ces conditions — l’intérêt même des comédiens les poussait à faire tomber dans les règles les pièces qu’ils jouaient pour les reprendre aussitôt à leur profit.

C’est alors que Beaumarchais se met à lutter avec ardeur et désintéressement jusqu’à la fin de sa vie pour défendre le droit des auteurs ; et c’est lui le véritable fondateur de la Société des Auteurs et Compositeurs de Musique, qu’Eugène Scribe organisera après lui.

Et maintenant, dans ce torrent d’activités diverses, imaginons : Beaumarchais, acheteur de fusils pour le compte des Américains qui vont conquérir leur indépendance vis-à-vis de l’Angleterre ; Beaumarchais, armateur dans la même intention d’une flotte imposante ; Beaumarchais contrebandier : Beaumarchais éditeur des œuvres complètes de Voltaire en 162 volumes (c’était la plus forte opération de librairie qu’on eût tentée jusqu’alors).

Il avait acheté trois papeteries ; il avait acheté les fameux Baskerville, les caractères d’imprimerie les plus