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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/81

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estimés, il avait acheté le Fort de Kehl (Voltaire était interdit en France) au Margrave de Bade ; il alla même jusqu’à organiser une loterie et des souscriptions pour mener à bien cette formidable entreprise. C’est au milieu de toutes ces occupations qu’il écrivait Le Mariage de Figaro. Il allait avoir cinquante ans.

Le Mariage, reçu en 1781, ne fut représenté au Théâtre Français que le 27 avril 1784, après de nombreuses lectures privées. Le tableau de cette première du Mariage est dans tous les recueils du temps.

Le roi Louis XVI, qui s’était fait lire le manuscrit, avait déclaré « qu’il faudrait détruire la Bastille pour que la représentation de la pièce ne fût pas une inconséquence dangereuse ».

Le Mariage de Figaro fut le plus grand succès du siècle, et eut soixante-dix-huit représentations consécutives. La Comédie Française y avait gagné 346 197 livres et Beaumarchais 41 490 livres. À la cinquantième, Beaumarchais imagina un nouveau moyen de publicité. Il est encore en usage. Il décida de consacrer une recette de sa pièce à la fondation d’un institut de bienfaisance en faveur des mères pauvres qui allaitent un enfant. Cette fondation ne vécut pas longtemps à Paris, mais, à Lyon, l’Institut de bienfaisance maternelle, instauré avec l’aide de l’archevêque, existe encore aujourd’hui. Le 8 mars 1785, l’auteur du Mariage, qui avait alors cinquante-trois ans, fut brusquement emprisonné à Saint-Lazare sans qu’on sût pourquoi. Louis XVI, à sa table de jeu, en avait donné l’ordre, au