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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/84

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ouvrant, non sans difficulté, la porte de ce réduit, nous soulevâmes un tourbillon de poussière qui nous suffoqua. Je courus à la fenêtre pour avoir de l’air ; mais, de même que la porte, la fenêtre avait si bien perdu l’habitude de s’ouvrir qu’elle résista à tous mes efforts ; le bois, gonflé et altéré par l’humidité, menaçait de s’en aller par morceaux sous ma main, lorsque je pris le parti plus sage de casser deux carreaux. Nous pûmes enfin respirer et jeter les yeux autour de nous. La petite chambre était encombrée de caisses et de cartons remplis de papiers. J’avais devant moi, dans cette cellule inhabitée et silencieuse, sous cette couche épaisse de poussière, tout ce qui restait de l’un des esprits les plus vifs, d’une des existences les plus bruyantes, les plus agitées, les plus étranges qui aient paru dans le siècle dernier ; J’avais devant moi tous les papiers laissés par l’auteur du Mariage de Figaro.

« Lorsque la superbe maison bâtie par Beaumarchais sur le boulevard qui porte son nom fut vendue et démolie, les papiers du défunt furent transportés dans une maison voisine et enfermés dans le cabinet où je les ai trouvés. La présence d’une brosse et de quelques gants destinés à préserver les mains de la poussière indiquait qu’on était venu, autrefois, de temps en temps, visiter ce cabinet. Peu à peu, les visites étaient devenues plus rares, la mort avait enlevé successivement la veuve et la fille de Beaumarchais. Son gendre et ses petits-fils, craignant que ces documents ne s’égarassent entre des mains négligentes ou hostiles,