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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/96

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est, et ouvrons au hasard un de ses ouvrages. Que penseriez-vous d’un moraliste qui écrit ceci :

Le déluge n’a pas réussi : il est resté un homme.

En vieillissant, on s’aperçoit que la vengeance est encore la forme la plus sûre de la justice.

Il ne faut pas voir ses amis si on veut les conserver.

L’honneur n’a plus que des professionnels.

Il n’y a pas deux manières de parler des autres : ou d’en dire du bien ou d’en dire du mal. Notre intérêt nous commande d’en dire du bien, la vérité veut qu’on en dise du mal.

La morale est peut-être la forme la plus cruelle de la méchanceté.

Quand tu ouvres ta porte, c’est un ennemi qui entre.

C’est un grand repos de vivre avec les mêmes gens, on sait qu’ils vous détestent.

L’élite, c’est la canaille.

Et voulez-vous savoir comment ces pensées sont venues à l’esprit de leur auteur ? Il prend soin lui-même de l’expliquer à la postérité :

« L’été ! c’était charmant. Dès que le jour paraissait, j’allais ouvrir ma fenêtre et je me remettais au lit. Une pomme d’arbre qui venait du jardin voisin entrait dans ma chambre avec des fleurs et des oiseaux. Les Champs-Élysées m’appartenaient. C’est là, que la critique le sache bien, dans le bon air et la verdure, le