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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/115

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VISIONS DE L’INDE

hommes ; une confiance demeure inébranlable en cette faune si longtemps épargnée et qui, dans son cœur, appelle « frère » le bipède dont le front est dressé vers le soleil… Moineaux imprudents, palombes sonores, et vous-mêmes, insupportables corbeaux bleus qui me réveillez dès l’aube, et toi, salamandre qui, au-dessus de ma tête, cours entre deux solives au plafond, et toi, abeille étincelante de la véranda, radiance de soleil brisée, rayon de miel qui chante, vous pouvez vous fier à ce blanc qui déjeune tout seul, mélancoliquement. Il n’est pas cruel, il n’a pas dirigé sa colère contre vos ébats innocents… Mais, hélas ! le siècle approche où l’Asie elle-même ne sera plus le refuge de la Bête, où l’homme aura fait autour de lui, sur la planète entière, le vide et la terreur.


Je me sentirais vraiment trop seul ce matin, si cette amitié animale ne rôdait pas autour de moi. J’ai ce filoutage sur le cœur. Me voici allongé sous la vérandha de l’hôtel, dans un de ces confortables fauteuils aux bras si larges et si longs qu’on peut y poser sa tasse de thé ou son livre, ou y croiser nonchalamment les jambes. Une abeille se pose sur le journal anglais que je lis, un papier où il n’y a que des nouvelles et des réclames, sec et terne, et qui m’attriste infiniment. Je ne la chasse pas ; je sais