Aller au contenu

Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
102
VISIONS DE L’INDE

bien qu’elle ne dirigera pas contre moi son dard, qu’elle m’apporte la joie blonde de sa présence ailée, comme un cadeau de poésie et un sourire doré de cette Inde si pauvre ! Il me semble que je comprends le discret murmure de la mouche de flamme : « Je sais bien, me dit-elle, tu souffres par ce vol d’une centaine de livres comme par une trahison sentimentale, comme si Bénarès, la cité de tes rêves, t’avait injustement réprouvé ; qu’importe ? pardonne à ce peuple enfant, que la servitude déprave… Il y a tant de grâce et de beauté autour de toi, que ton cœur ombrageux pourra s’y apaiser ! »


Oui, l’abeille a raison, il faut pardonner. Je regrette mon pauvre Rozian, mon « boy », que j’ai chassé depuis qu’il a aidé le filou… Sans rien dire, sans se laisser voir, il a continué de faire ma chambre, ou plutôt d’arranger mon lit, et de mettre un peu de beurre sur mon soulier. Il rôde dans tout l’hôtel avec sa nonchalance habituelle, maintenant craintive, son turban retenu sur la tête par une énorme boucle, un sourire plus sombre sur sa lèvre épaisse ; mais son œil inquiet, me surveille, me supplie. C’est un Bengali, c’est-à-dire le plus timoré et le plus roué des Indiens. Je ne peux me souvenir de cette canaille affectueuse sans émotion. Il savait ma nervosité, il caressait et augmentait