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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/121

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VISIONS DE L’INDE

mère des civilisations, dépositaire du mystère et de la force. Sous un ciel délicat comme la peau bleuie d’une femme trop passionnément caressée, là-bas tombe sur mes épaules une marmoréenne fraîcheur. Après avoir gravi de tout puissants escaliers, je marche dans la salle des réceptions aux plafonds superbes. Les murs que ne coupe aucune hideuse fenêtre s’animent de pierres coloriées ; une flore svelte s’y incruste, un jardin précieux, lapidaire, que les siècles n’ont pu flétrir. Le malheur, c’est que l’Europe pénètre là par les suspensions à pendeloques dont les Orientaux raffolent et qui, à Damas déjà, et plus tard à Peshawur, me gâtèrent les plus délicieuses demeures musulmanes.

J’examine les visages des rajahs qui habitèrent Ramnagar ; leurs fantômes doivent y revenir parfois pour pleurer la grandeur de la patrie. Le fort inexpugnable n’est plus qu’un musée où entrent, chapeau sur la tête, les conquérants. Comme ils sont différents, ces grands rois, du gracieux roitelet que je vis en sa maison de Bénarès ! Les turbans couronnés de perles encerclent des fronts volontaires tachés du signe rouge, qui semble, là, une goutte sanglante éclaboussée dans la bataille. Leurs plumets, leurs colliers, leurs diadèmes ont je ne sais quel austère étincellement. Leurs favoris élargissent encore les joues d’ogre. Mais le rêve