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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/127

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VISIONS DE L’INDE

Je suis retourné vers le Gange, de très grand matin cette fois, accompagné d’un jeune brahmane, initié aux rites mystérieux de sa religion puérile et savante ; au nom de son maître, le maharajah de Bénarès, il doit me montrer la vénérable déesse Ganga, en fête sous l’aurore, quand elle est étreinte par les bras pieux des pèlerins qui s’y baignent. Je l’examine : c’est un petit Hindou de seize ans, dont le vocabulaire anglais est très restreint, le cerveau faible et gentil, et la bouche pépiante comme le bec d’un oiseau matineux. Il n’a pas de turban et, avec ses joues presque claires, son corps incertain, tout enveloppé de mousseline blanche çà et là trouée, il semble une jolie poupée mécanique, plutôt qu’un guide sacré. Il est tout joyeux de se mêler à ces fêtes païennes, avec un Européen qui paiera les bakchichs.

Dès que la voiture cahotante nous dépose au bord du fleuve, on l’acclame : « Babou, babou (Monsieur, monsieur), ne vous fâchez pas. C’est fête aujourd’hui ! » Et les bateliers tachent sa mousseline immaculée d’un jet rouge qui fait songer aux mûres écrasées. Le jeune brahmane ne se fâche pas, il rit, frissonne un peu, frileux sous sa draperie transparente… Nous revoilà dans le bateau lourd et lent qui nage le long des ghâts, frôle presque les escaliers énormes, les piliers des tem-