Aller au contenu

Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/198

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
184
VISIONS DE L’INDE

que des ornements inscrits par un artiste capricieux ; les forts se dressent comme d’autres pics construits par les hommes, les villes s’incrustent aux rochers comme des coquillages roses… Tout au loin le mur, — le hérissement de farouches poitrines dont les têtes sont mangées par le ciel !… Ah ! ces formidables Himalayas où stationnent éternellement des nuages ! On dirait des gardiens jaloux voulant éclipser aux yeux des créatures une altitude que l’imagination, elle-même, n’ose concevoir… Himalayas ! vous m’avez expliqué ce mystère du génie qui, lui aussi, est une chose trop haute pour qu’elle ne soit pas cachée !

L’ingénieur tourne le dos à ce spectacle. Il a tiré de son sac sa longue-vue, et il regarde du côté du Naini-Tal, s’efforçant de discerner ses réservoirs et son usine… Puis, il improvise, sur l’herbe rase, une dînette. Je mange peu ; j’ai la migraine du Vertige. Mon compagnon mange à peu près tout, puis sur le sac vide pose sa nuque et commence sa sieste.

Je fais quelques pas, presque ivre de cette immensité. Je ne sais quoi m’attire irrésistiblement au bord extrême de ce rocher, qui se dresse comme une conque. Je la contourne, et je m’arrête stupéfait. Un homme est là, accroupi sur une peau de tigre, tout nu, l’épiderme brun, les cheveux abondants, de ce noir luisant spécial aux Asiatiques. Ses yeux sont