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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/199

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VISIONS DE L’INDE

aussi grands que les yeux immenses des dieux hindoux. Sa lèvre épaisse et délicatement ourlée sourit. Il n’est point étonné de me voir. Son buste se balance avec un rythme lent. Devant lui, comme près des sanyasis que je vis à Bénarès, est planté, dans ce roc, le trident de Shiva, ou saigne une guirlande de rhododendron. Un feu de bois mort s’éteint sous de la cendre. Il a quelques fruits à portée de la main, et un petit faon dilate les narines à ses côtés.

Serait-ce le Mahatma dont me parlait Bharamb ? Il me fait signe de m’approcher, de m’asseoir comme lui.

J’ai appris, depuis Constantinople, à m’accroupir à l’orientale. Derrière ce soulèvement du rocher, qui me cache Naini-Tal et le reste de l’Inde, avec devant moi le déroulement infini des Himalayas, je me sens, avec cet homme, seul dans le monde.

Il sait l’anglais. Je lui demande qui il est. Il sourit de nouveau, continuant à se balancer avec ce rythme doux qui hypnotise.

— Vous vouliez me rencontrer ? dit-il, cette nuit mon feu brillait vers Naini-Tal.

— Vous me connaissez donc ?

— Je connais toutes choses.

Ses yeux se ferment ; son regard me brûle entre ses longs cils rapprochés.

— Qui je suis ? Vous avez lu, dans vos livres sa-