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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/200

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VISIONS DE L’INDE

crés, l’histoire d’Élie ? À sa volonté, le feu s’allume sur les autels, il est invincible, il ne meurt pas. Il a été emporté dans un char de feu et réservé pour la fin des temps. Il y a beaucoup d’autres Élies. Je suis un de ceux-là. Je vis depuis des siècles. J’étais déjà né, quand votre Christ naquit. J’ai connu Rama et Chrisna. Vous le voyez, je ne porte pas de vêtement. Je marche ainsi sur les cimes de ces montagnes (et il montra de la main les neiges éternelles au loin, mêlées au ciel). Pas plus que le froid, je ne sens la douleur. Je me rappelle qu’il y a des siècles, je fus malade, une fois : c’était que j’avais voulu de nouveau descendre au milieu des hommes. Je les ai aimés. Maintenant, je n’ai plus de haine ni d’amour. Je suis libre, je suis Dieu.

Il caressa le faon que ma présence avait un peu effrayé et qui posait contre lui son fin museau frémissant.

Je ne fus pas trop étonné de ces allusions à notre Bible ; les « pundits » de Calcutta ont l’image du Christ dans leur maison. Je connaissais déjà ces théories nihilistes. Elle m’indignaient.

— Comment, dis-je, vous, un Hindou, vous désintéressez-vous de votre patrie qui souffre et qui meurt ?

Le sourire se tarit sur les lèvres épaisses que creusa un pli d’universel dédain.