Aller au contenu

Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
10
VISIONS DE L’INDE

un anna, c’est-à-dire quatre sous, se mêlent aux chants saints. Mon prêtre ne me lâche pas. Son haleine fait le vide autour de lui. Auprès de ce dément pieux, circule le vent trouble et séducteur qui émane des fous et des criminels, de ces médiums aussi que j’ai si souvent visités en Europe. Quelque chose d’approchant à ce souffle qui, invisible, rayonne des machines électriques. Mais cela énerve et irrite ; je me mettrais aisément en colère, j’ai du dégoût ; la fièvre de ce malheureux, qui claque des dents et dont la main tremble, me gagne.

Nous voyons les autels des dieux moindres avant de pénétrer dans le saint des saints. C’est d’abord l’idole-Éléphant au fond d’un réduit noirâtre. Elle est noire elle-même avec sa trompe, et des obscénités s’entrelacent autour d’elle en nimbe infâme. Heureusement qu’il faut être familier avec les symboles hindous pour comprendre. Et pourtant il ne s’agit que du dieu de la sagesse, le bon Ganesh ! Les Européennes qui nous accompagnent s’étonnent, leurs robes, tirées par les doigts précautionneux afin d’éviter les salissures. Elles ne voient que des courbes dans les ténébreuses lueurs. Les autres autels sont distants, enfoncés dans des sanctuaires qu’un pied d’Européen contaminerait à jamais. Moi, je devine là-bas Chrisna et Rada enlacés, dans l’ombre abjecte…