Aller au contenu

Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
11
VISIONS DE L’INDE

Mais il faut s’arracher à ces bagatelles. Nous voici dans la grande cour du temple, ou plutôt des temples. Approche le soir. L’impression de monstruosité, de folie et de crime augmente. Les jeunes filles poussent des cris. Nos Françaises se révoltent. Nous marchons littéralement dans un flot de sang. Autrefois, les sacrifices humains avaient lieu là ; aujourd’hui, on n’égorge que des chiens, des chevreaux ou des buffalos. Jamais je n’oublierai cette place sanglante, son caractère abominable et sacré pourtant, sa révélation de l’âme indigène, si distante de la nôtre. Le prêtre, avec un sourire d’assassin, me fait signe que la cérémonie va avoir lieu. « Vous avez de la chance, » ajoute-t-il. Oui, nous avons de la chance. Un sacrificateur, tête nue, pose sur le billot, qui a la forme d’une fourche, la tête d’un zébus, comme nous enguirlandé de fleurs[1]. Un autre verse sur le museau plaintif de la victime l’eau bénite du Gange. Dans l’assemblée s’établit un silence d’attente, le recueillement des exécutions. Et le couteau tombe en un bruit sourd. Les artères lancent un jet noir. La tête roule.

Alors le délire n’a plus de frein. Nous ne pouvons nous défendre contre ces fanatiques. Les Européennes bousculées se cramponnent à nous,

  1. Les sacrifices d’animaux ont remplacé les sacrifices humains.