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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/249

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VISIONS DE L’INDE

En racontant ma visite au fort d’Agra, j’ai célébré ces larmes, que je croyais nobles et sereines. Mais l’histoire positive ne permet guère de voir en cette explosion de tristesse tant de grandeur d’âme.

Ce despote pleura-t-il à cause du poignant souvenir de celle qui l’attendait sous les mosaïques et les pierreries et qui mourut en lui donnant son huitième enfant ? Hélas ! le cœur des Asiatiques est desséché par le harem polygamique… Était-ce l’éclat disparu des tendresses et des jeunes années qui, ressuscité par le regret, amollissait la sensibilité du vieillard ? Hélas ! l’âme des conquérants durcit à l’image de leurs glaives… Mais il ne faut pas être un juge trop sévère et affirmer qu’aucun de ces sentiments délicats ne composât ce désespoir. Cependant il est certain qu’il se lamenta surtout de rancune et d’orgueil froissé. Car là-bas, de l’autre côté de la rive, le grand empereur avait rêvé un tombeau plus grand encore, un tombeau « pour lui tout seul » et qu’un pont d’argent sur la sainte Jumna aurait relié au tombeau de son épouse… Et Sha-Jahan pleura de n’être pas enseveli assez magnifiquement.


Qu’importe ce que nous accorde le destin ? Nous demandons toujours plus et nous souffrons jusque dans nos triomphes.