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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/351

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VISIONS DE L’INDE

souvent par amour pour le mari défunt, parfois aussi par désespoir de rester seules et méprisées, sans appui et sans ressources, à jamais écrasées par la Fatalité et la Coutume ! »

Rien n’est plus douloureux que de se sentir inefficace devant une douleur. Une sorte de honte m’empêcha de remettre brutalement, comme aux autres, un peu d’argent à cette fillette de race plus délicate. Alors, l’idée me vint de lui acheter l’anneau de sa narine droite qui certifiait, selon le rite, que cette vierge veuve était pourtant devant la société une épouse. Il était fixé au nez par une petite perle baroque ; je réunis les quelques guinées qui me restaient et les lui donnai en échange. (Je les réservais pour l’achat d’un souvenir de mon voyage un peu plus important que les pacotilles achetées dans les bazars). L’enfant sourit avec un charme infini où l’étonnement et la reconnaissance se mêlaient, pour ce troc lui assurant, au prix modique de la vie indienne, plus d’une année de sécurité et le salut de son corps…

Il me sembla, quand elle me remit ce symbole de son inutile esclavage, qu’en effet je la délivrais un peu en lui emportant ce frêle bijou… Je devais plus tard tomber malade pas très loin d’ici et entendre les pas de la mort sur cette terre si loin de celle où je suis né. Et comme, à la minute grave